Maman, j'tourne electro.

Ouais. Pas d'ma faute. Et puis j'm'en fous quelque part. Maman, j'suis quand même désolée. Je sais que tu t'étais dit que ta putain de fille était pas comme les autres, que t'étais fière d'elle parce que t'avais réussi à lui inculquer les réelles valeurs de la musique avec Bowie, Lou Reed et les Stooges... Du coup, ça m'a fait découvrir les Doors et des tas d'autres trucs supercools. Et tu sais ô combien cette musique me fait vibrer. J'en ai abusé comme on abuse d'une drogue. T'étais contente de pas voir ta fille habillée en pouf, le piercing à la langue et au nombril, le string qui dépasse et tout l'atirail, comme toutes ces petites putes qui passent à ta caisse, qui te parlent comme elles parlent à une sous merde et sur lesquelles tu vomirais bien ta danette. On a beaucoup partagé, jusqu'à ce que le temps qui passe nous rende chacune un peu plus blasées de la vie, jusqu'à ce qu'on me dise qu'il fallait que je me démarque de toi, qu'il fallait que j'arrête d'être ton putain de bébé et toutes ces merdes qui me font tant pâlir, parce que j'aurais voulu être tout, sauf ça. Bref. Ouais, on est blasée, chacune de notre côté, pour des raisons différentes. Moi, c'est mon insatisfaction, mon immobilisme, mon incapacité, les désirs que je n'arrive pas à assouvir pour te protéger. Je suis lasse de tout ça alors j'ai envie de tout détruire, y compris moi. Je me fous de tout. Je me fous de la fac, des partiels. Je me fous de ma santé. J'purge ma haine, mon anxiété, mon envie de destruction dans de la musique sale, celle qui grince, tu sais, un peu comme le solo de guitare de TV Eye du live d'Iggy Pop qu'on aime tant. Un truc saturé qui te donne envie de te griffer, de faire mal, de taper. Même que tu ne peux pas. Bref. Avec tous ces connards de petits bourgeois parisiens à mèche lissée ou autre mouvement fluo kidz qui pullulent le net, j'ai découvert Justice. C'est cool, surtout Waters of Nazareth. Ca fait mal aussi et puis ça fait du bien. Ca m'étire un sourire, c'est pour dire. Et puis je les aime bien ces deux cons, surtout après avoir visualisé "A Cross the Universe", leur DVD. Ils font peut-être de l'électro mais j'les ai trouvé vachement rock'n'roll et je sais que t'aimes ça aussi. Du coup, je ne cesse d'écouter le live. Au moins une fois par jour. Et je compte réitérer jusqu'à ce que j'en ai la gerbe, ou qu'ils me déçoivent pour un truc. Quand j'écoute, je ne fais rien d'autre qu'écouter, fumer et sourire. Parce que c'est puissant, intense. Tous ces sons sombres m'en font sortir des papillons de mon estomac, comme "Stress", surtout quand tu sens la pression monter et le public se déchainer quand ça explose. Pendant que ça implose dans mon corps. J'te l'accorde, au bout d'un moment, si t'es pas en condition physique et morale, t'as mal à la tête sous pretexte que c'est trop fort... Mais y'aura toujours la prochaine fois où ce sera mieux. Jouissif. Genre demain. Ou dans trois heures. C'est violent tu sais. C'est toute la violence que j'ai pas dans ma putain de vie monotone, vide et plate. J'sais bien que c'est à cause de moi. Mais pour l'instant, j'suis pas capable de la rendre plus vive cette putain de vie alors j'me console en déviant, en écoutant peut-être de la merde, tout en imaginant des scènes de folies, de décadence, de débauche.
En bref, encore désolée. Si tu veux, j'te ferai écouter le final du morceau "Planisphere". C'est un long solo de guitare et en plus de libérer de la dopamine des synapses, ça libère les papillons de l'estomac, surtout le moment où ça reprend de plus belle après une petite trève, vers 1:25. Tu verras...
J'aurais juste envie d'ajouter pour finir : Justice pour tous. Et puis Justice pour moi aussi.