Pseudo Victime

    J'ai toujours eu l'impression d'occuper la place de victime. Je me suis toujours attribuée le statut de victime. C'est plus facile d'être passive qu'active. C'est plus facile d'accuser les autres de son propre malheur. Je ne suis pas coupable de ce qu'il m'arrive. C'est le sort de la vie, d'un quelconque dieu, d'un destin typique et tragique. J'aime bien les tragédies. On m'entendra dire, ou geindre, c'est selon, « mais pourquoi moi ? ». Pourquoi je suis moi, telle que je suis, à cette place-ci, à souffrir, ou pas, à faire semblant peut-être. Je ne sais pas ou plus. J'ai gardé ma place moelleuse et douce de victime jusqu'à ce qu'on m'ouvre les yeux, jusqu'à ce que toute une stratégie parte en fumée, jusqu'à ce qu'on me dise que j'occupais la place que je voulais.
    Je suis la petite fille laissée pour compte, celle qui n'a jamais été au bon endroit au bon moment et qui n'est le résultat que d'une série d'erreurs. J'ai tenté de m'analyser avec ferveur afin de comprendre pourquoi je suis moi, pourquoi j'en suis là. La réflexion superficielle que j'ai faite m'a permise de conclure que je n'ai jamais emprunté les bons chemins aux bons moments. Mais je ne savais pas, moi, quelles en seraient les conséquences. Je n'ai pas demandé à avoir cette famille, que j'aime pourtant. Je n'ai pas demandé à tant m'imprégner de leur morale. Alors oui, il m'arrive parfois de croire que j'ai atterrit ici pour avoir mal, pour mener de sacrées batailles. A peine vingt ans et déjà fatiguée de se battre. Chienne de vie. Je me fais peut-être passer pour la victime que je ne suis pas mais une chose est sure : je suis victime de moi. Victime de ce que je suis, de mes mœurs, de ma façon de penser, de mes perceptions, de mes sensations, de ma lassitude, de ne pas agir, de ne pas réagir, de mon incompréhension, de mon incapacité.